La thématique de la mort inspire depuis le Moyen-Âge de nombreux artistes, poètes et poétesses , auteurs et autrices... Danse macabre, danse de la mort, Ankou, lavandières de la nuit, ou autres squelettes et crânes, ont largement été représentés dans les livres et ce dès le 15e siècle.
Dans cet épisode 1, focus sur l'une des danses macabres parmi les plus célèbres : L'imago mortis illustrée dans La Chronique de Nuremberg.
La Chronique de Nuremberg, aussi appelée La chronique de Schedel, est un incunable publié en latin puis en allemand en 1493 dont le titre traduit est : Le livre des chroniques et histoires avec figures et illustrations depuis le commencement du monde jusqu'à nos jours. Il s'agit d'une histoire du monde depuis sa création jusqu'aux dernières années du quinzième siècle, qui mêle histoire sacrée, histoire profane, description de nombreuses villes (en particulier allemandes), et diverses digressions sur des sujets variés, catastrophes naturelles, passage de comètes, naissance de l'imprimerie, généalogie biblique et dynastique...
Avant 1501, près de 150 villes européennes produisent les premiers livres imprimés : les incunables. Le terme provient du latin incunabulum qui signifie berceau.
Les imprimeurs – souvent également libraires, relieurs et doreurs – conservent dans un premier temps la présentation du livre manuscrit : l’organisation des pages, les caractères typographiques, l’usage des lettrines évolueront progressivement. Dans le domaine du livre comme pour tout autre artisanat, chaque transition technique s’étend sur la durée.
Petit à petit de nouveaux éléments apparaissent et offrent une meilleure qualité de lecture : le texte s’aère et s‘organise en paragraphe, la pagination remplace la foliotation, la page de titre mentionne l’identité du livre et l’achevé d’imprimé prend place en fin d’ouvrage. Enfin, la ponctuation jusqu’ici peu utilisée, se développe et se normalise. L'aspect du livre tel qu'on le connait aujourd'hui se fixe vers 1530.
La particularité et la popularité de la Chronique de Nuremberg sont liées aux 1804 gravures présentes dans l’ouvrage réalisées à partir de 645 gravure sur bois, c’est l’une des premières éditions à mêler avec succès textes et images dans un livre.
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L’une des gravures les plus célèbres est sans nul doute l’imago mortis dessinée par Michael Wolgemut. La danse de la mort ou danse macabre est un motif artistique populaire présent dans le folklore européen et élaboré à la fin du Moyen Âge.
Dans son ouvrage Etude sur la Chronique de Nuremberg d'Hartmann Schedel publié en 1894, Charles Ephrussi la décrit ainsi :
"C'est une danse macabre, une des plus anciennes que l'on connaisse et certes une des plus terriblement expressives. Elle se compose de cinq squelettes ; le premier, enveloppé d'un ample manteau aux plis tombants, souffle dans une sorte de flageolet dont les sons doivent rythmer la danse funèbre; à sa gauche, trois personnages exécutent une sarabande effrénée ; les deux premiers, entièrement décharnés, tordent leurs ossements en des mouvements d'un entrain lugubre ; leurs membres s'entrechoquent et se désarticulent avec une horrible souplesse pour donner plus de furia à l'intempérance de leurs entrechats ; quelques touffes de cheveux, demeurées sur les crânes dénudés, s'associent aux soubresauts des corps, ils se tiennent par la main, et le second, lançant au-dessus de sa tête un bras contorsionné, tend la main au troisième personnage du groupe, une femme, à en juger par ses longs cheveux, par un sein pendant que les vers n'ont pas encore dévoré; une ouverture hideuse laisse échapper les entrailles qui ondulent en suivant l'infernale cadence avec l'étoffe flottante du linceul. A leurs pieds un cinquième squelette, sortant la tête et un bras du drap mortuaire, semble s'éveiller au bruit de l'épouvantable ballet. Au-dessous, trente-neuf vers (semés de quelques fautes de quantité) qui sont un éloge emphatique de la mort, justicière souveraine, éternel repos du travail, sans laquelle la vie ne serait qu'une perpétuelle prison dont elle brise les portes. On a souvent, avant et sur tout depuis 1493, représenté sous cet étrange aspect d'une danse suprême l'inévitable nécessité de la mort; mais jamais on ne lui a imprimé un pareil caractère de grandiose horreur."
Sources des illustrations utilisées en haut de page (de gauche à droite) :
La Mort : [estampe] ([État avec la lettre]), 19e siècle, Bibliothèque nationale de France, département Arsenal, EST-203 (198).
La Mort : [carte à jouer, dessin], 1475-1500, Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, RESERVE BOITE ECU-KH-24
A MORT, Toi qui scais le remde à toutte maladie,.... : [estampe] ([État avec la lettre]), Langlois, 1629-1647, Bibliothèque nationale de France, département Arsenal, EST-203 (195)
[Tête de mort posée sur une tablette] : [estampe], 17e siècle, Bibliothèque nationale de France, département Arsenal, EST-203 (197)